just a simple kind of man
Give me love like her, 'cause lately I've been waking up alone, Paint splattered teardrops on my shirt. Told you I'd let them go, and that I'll fight my corner. Maybe tonight I'll call ya, after my blood turns into alcohol. No, I just wanna hold ya. Give a little time to me or burn this out, we'll play hide and seek to turn this around. All I want is the taste that your lips allow. —
La famille Crowley n'a jamais été la plus remarquée de Bishop Hills, ni même la plus riche ou la plus exemplaire. A vrai dire, le tableau de la belle famille a rapidement été amoché lorsque, quelques mois après avoir accouché de son deuxième fils, madame Crowley a quitté mari et enfants du jour au lendemain sans se retourner. L'on a souvent dit que son fils aîné avait le même sang, la même envie de partir qui bouillait dans ses veines. Celui-ci, c'était pour ainsi dire le mauvais garçon de la famille, celui qui se jouait de tout et n'attachait de l'importance à rien : il a fini mécanicien dans un garage juste après le lycée et l'esclandre du bal de fin d'année, on la lui doit. Un mauvais parti aux yeux de n'importe quelle personne de la ville et la seule personne à qui il pouvait montrer un tant soit peu de respect, restait son père.
Rien de comparable avec son frère cadet, celui qui était bien vu de tous, tout simplement parce que, comme pour compenser son frère ou racheter le malheur qu'il a du causer à sa mère pour qu'elle fuie aussi loin des siens, il a toujours tout fait pour être le plus parfait du monde. Il aidait les vieilles dames à traverser, il participait à toutes les associations de la ville et lui, pour son bal de fin de lycée, il a été sacré Roi du Bal, avec sa si belle cavalière. Un bon parti en somme. Et le père Crowley était pour ainsi dire la clé de voûte de cette famille ; l'homme qui a su montrer un chemin un tant soit peu sûr à ses fils. L'homme aujourd'hui regretté, dont les lambeaux de famille sont dispersés à travers le pays. Jusqu'à il y a cinq ans pourtant, leur vie, à eux trois, avait tout pour ressembler à celle de tous les autres.
❧“2007, ECHO
i just wanna feel alive”♪ ♫ ♩ C’était devenu un geste automatique, avec le temps. Il prenait un de ses vêtements, le foutait plus ou moins soigneusement dans son sac, et passait au suivant. Dans l’épaisseur de la nuit, il répétait cet acte inlassablement, le plus rapidement possible ; le plus silencieusement possible. Seul, dans cette pièce dont l’atmosphère devenait subitement lourde. Les mâchoires crispées, il était pourtant incapable d’empêcher ses idées de fuser dans tous les sens. Avait-il raison d’agir ainsi ? Probablement. S’il fonctionnait égoïstement, en tout cas. «
J’peux savoir ce que tu fais ? » La voix de son frère cadet coupa net sa cadence, le figeant sur place ; interdit. Il croyait qu’avec toutes les émotions vécues au cours de cette journée, il dormirait profondément depuis de longues heures déjà. Probablement ce qu’il devrait faire aussi ; mais pas avant d’avoir mis plusieurs kilomètres entre cette ville maudite et la nouvelle vie qui l’appelait. Inlassablement. Son cadet ne pourrait jamais comprendre. Dans un léger soupir, Silas laissa tomber ses dernières affaires sur son lit, se retournant face à son petit frère, un brin de culpabilité l’envahissant avec force. Mais pour masquer le tout, avec l’habituel détachement dont il faisait preuve, il haussa simplement les épaules, son visage ne trahissant aucun des remords qui s’insinuaient avec encore plus de force en lui à présent. «
Ca ne se voit pas ? » Son ton était imprimé de sarcasmes, et si son cadet ne le connaissait pas depuis des années déjà, il aurait pu croire que Silas ne s’appliquait pas à cacher la honte qui l’envahissait, mais qu’il s’en foutait complètement. «
Tu t’en vas. » Le soupir qui franchit les lèvres de l’aîné Crowley le trahit, et, pour ne pas affronter le regard de son frère, il pivota de sorte à lui faire dos. De sorte à échapper à tout face à face. «
C’est la meilleure chose à faire. » Il avait inlassablement repris son œuvre, remplissant finalement jusqu’à raz bord son sac, et décidant de laisser le reste à l’abandon. Il avait pris ce dont il avait besoin. «
Tu penses vraiment c’que tu dis ?! » L’énervement s’emparait peu à peu du plus jeune frère, et Silas le sentit bien rapidement, crispant la mâchoire avec force en attrapant son sac, prêt à s’engager vers la porte, prêt à prendre la fuite. Encore. Mais cette fois-ci, son cadet lui barra la route, le toisant avec une véhémence tout à fait méritée, probablement. «
Maman n’est plus là. Papa est mort hier, et tout c’que tu trouves à faire, c’est te barrer ?! Sérieusement ? Qu’est c’que tu fais ?! Tu prends la fuite ?! » Comme pour ramener son frère à la raison alors qu’il s’emportait dans ce qui allait être une nouvelle dispute, il posa ses mains sur les épaules de celui-ci, tentant de l’aider à reprendre ses esprits. «
J’te demande pas de me comprendre ! J’en ai besoin… c’est tout. Tu peux très bien t’occuper de… tout ça. T’as pas besoin de moi. » A voir le visage de son frère, il se plantait carrément, mais Silas n’y fit pas la moindre attention ; égoïste, encore une fois. Il reprit son sac, s’écartant de son cadet, prêt à partir, pas très loin de la porte d’entrée quand. «
Qu’est c’que tu vas faire de Jessie ? » Il se stoppa, net. Encore une fois, pris de court, surpris. Il avait tout planifié pour éviter de penser à tout ce qu’il laissait derrière lui et là… «
J’ai laissé une lettre. Tu pourras lui donner ? Dedans je lui parle de... » Il ne termina pas sa phrase, détournant le regard. Il y parlait de tout ce qu’il avait à lui dire ; qu’il l’avait aimée, l’avait pensé en tout cas. Mais que finalement, la grossesse de la cousine de celle-ci le mettait quelque peu en défaut, en sachant qu’il était le père, parce qu’il n’avait tout simplement pas réfléchi. «
T’es qu’un lâche, Silas. » Il s’était subitement rapproché de son aîné, se glissant entre la porte et lui, s’assurant avec soin qu’il soutienne son regard. «
Tout c’que t’as toujours fait, c’est penser à toi, et rien qu’à toi ! Tu fais que le prouver là. Tu sais quoi ?! Barre-toi ! Je m’occuperai tout seul de préparer l’enterrement de papa, mais surtout, pense pas te repointer une seule fois dans ma vie, si tu passes cette porte. » L’instant d’hésitation qui prit Silas sembla futile, face au moment décisif, où il fixa son cadet. Longtemps, avant de s’écarter, et passer le pas de la porte.
“2011, DEVOTION
so much confusion clouds my way”♪ ♫ ♩ La pluie se faisait drue sur la route, et alors que le soleil poursuivait son chemin vers la ligne d’horizon, la visibilité disponible s’amenuisait. Bientôt, Silas commençait à jeter des coups d’œil dans l’espoir d’y voir se profiler la devanture d’un motel, ou d’un quelconque endroit pour s’arrêter. Et c’est l’esprit quelque peu ailleurs, qu’il manqua de renverser l’auto stoppeuse qui lui faisait des signes sur le bord de la route. En une fraction de seconde pourtant, sa voiture s’était arrêtée, juste devant la silhouette de la jeune femme qui avait échappé de peu à la mort, et qui à présent, semblait tout sauf soulagée de voir quelqu’un s’arrêter à sa hauteur. «
Eh ben, il faut croire que vous avez eu votre permis dans une pochette surprise ! » Il était précipitamment sorti de la voiture, pour voir quels dégâts qu’il avait pu faire ; aucun visiblement, en tout cas, il aurait été quelque peu satisfait de tomber sur une muette : ça aurait été trop beau. «
De rien. Ca aurait peut-être valu la peine de ne pas freiner et de juste changer le pare brise ! » Ca commençait fort, mais les heures de route et la pluie n’aidaient en rien à sa bonne humeur. A celle de la jeune femme non plus. «
Oh, désolée de marcher au bord de la route, c’est vrai, il n’y a jamais personne sur la route 66, pas besoin d’ouvrir les yeux ! » Les répliques fusaient d’elles-mêmes, et bientôt, il leva les yeux au ciel, haussant les épaules alors qu’il se sentait assez trempé pour la soirée, d’autant plus qu’il avait perdu de précieuses minutes sur son chemin. «
J’vais vous laisser fulminer sur votre bord de route, j’suis pressé. » Mais à peine eut-il fait le moindre pas, qu’elle le retint, fronçant légèrement les sourcils. «
J’étais en train de faire du stop. » Malgré l’animosité qui résonnait encore dans sa voix, il y ressentit également un brin de conseil ou de demande cachée. Il arqua un sourcil, la détaillant un instant. Il ne s’était pas rendu compte, quelques minutes plus tôt, qu’elle était aussi jeune. «
J’ai vu ça. J’avais pas l’intention de m’arrêter, mais puisque je suis là, je peux savoir ce qui fait qu’une adolescente se promène sur le bord de la route à faire du stop ? » Il semblait bientôt qu’il avait posé la mauvaise question, à voir avec quelle force elle crispait la mâchoire. «
Vous savez quoi ?! Laissez tomber. Barrez-vous, avec votre voiture à la con ! J’préfère marcher ! » Elle était tellement énervée, qu’elle l’avait poussé, s’écartant rapidement de lui pour reprendre sa marche à toute vitesse, sous la pluie et envers et contre tout.
«
Tiens, mais si c’est pas l’auto stoppeuse d’il y a quelques kilomètres… » Il s’était approché d’elle avec cet air si hautain, qu’elle ne put que lever les yeux au ciel, sentant son estomac se nouer soudainement. Voilà qu’elle n’avait même plus faim, alors qu’il s’asseyait à côté d’elle, lui piquant une frite dans son assiette au passage. «
Comme on se retrouve… » Elle ne répondit pas, comme si elle l’ignorait ouvertement ; ce qui était probablement le cas. Malgré tout, elle ne mangeait plus, et il tenta le diable jusqu’à traîner l’assiette de la jeune fille jusqu’à lui, commencer à finir celle-ci. «
Il faut croire qu’il y a des gens qui roulent plus vite que vous. » Finalement, elle avait été ramassée de son bord de route par quelqu’un, en espérant que ce ne soit pas un espèce de pervers qui l’ait mis de si mauvaise humeur. Il ricana, elle plissa les yeux, pour lui faire ouvertement comprendre le mécontentement qui l’envahissait. Bras croisés, mine boudeuse, elle semblait vieillir subitement et pourtant, maintenant, à la lumière du snack où ils se retrouvaient, il n’y avait plus aucun doute sur sa jeunesse. La vingtaine, peut-être un peu plus. Beaucoup trop jeune, pour une fille seule le long de la route 66, au Texas, qui plus est. «
Vous comptez me fixer encore longtemps ? » Il ne s’était même pas rendu compte qu’il n’avait pas détaché son regard d’elle depuis de longues minutes, la sondant du mieux possible. Il sourit, la dédaignant subitement, se contentant de manger ce qu’il ne payerait pas. «
Tu soulèves pas mal de questions, dans ma tête. » Voilà qu’il la tutoyait et la réaction de la demoiselle ne se fit pas attendre, alors qu’elle arquait un sourcil avec dédain. «
Elle fonctionne, c’est déjà ça. » Il ricana une nouvelle fois et elle ne put empêcher un sourire de venir naître au coin de ses lèvres. Détournant rapidement le regard du jeune homme assis à côté d’elle, elle tenta de reprendre son sérieux, trouvant la tâche malgré tout plutôt difficile. «
Tu viens d’où ? » Aucune réponse, au lieu de ça, elle se pencha sur la table, prenant une frite pour la manger. Il comprit rapidement qu’elle ne comptait pas dire quoique ce soit sur l’endroit d’où elle venait, ou même ce qu’elle pouvait foutre ici. Il n’insista pas, faisant signe au serveur de lui apporter une bière. Sous le regard de la demoiselle, il comprit qu’elle lui en demandait une également, mais qu’elle doutait d’avoir l’âge requis, ou du moins, de pouvoir convaincre l’avoir. Ce n’est que lorsqu’il la lui tendit, qu’elle daigna reprendre la parole. «
Je suis partie de chez moi. Sans vraiment réfléchir à vrai dire, c’est con. J’ai même pas d’argent, enfin… plus beaucoup. » Son regard se faisait fuyant, elle avala une gorgée de bière avant de reprendre sa bouteille à son interlocuteur inconnu. «
Moi c’est Silas. » Elle le regarda un instant, fermée. Silencieuse. Encore sur la défensive, envers et contre tout. Et puis, elle s’approcha, esquissant pour la première fois un vrai sourire, qui vint illuminer son visage. «
Charlie. »
“2012, HOLDING ON AND LETTING GO
don't know if we'll make it”♪ ♫ ♩ «
Bishop Hills. Petite ville. Tu peux me rappeler pourquoi tu tiens absolument à y retourner ? » Six mois, déjà. Six mois qu’il avait rencontré Charlie, sur les routes, six mois depuis qu’elle avait fugué de sa grande ville natale, et qu’elle ne donnait plus de nouvelle à sa famille. Quelque part, ils étaient semblables, faits pour s’entendre… faits pour parcourir autant de kilomètres ensemble. Un plan posé sur les genoux, elle cherchait la bonne route ; depuis trop longtemps, Silas n’était pas retourné chez lui, au point de ne plus connaître le chemin. A vrai dire, pour apaiser sa conscience, il aimait se dire que c’était parce qu’il avait suivi la demande de son frère : il était sorti de sa vie. Pendant quelques temps en tout cas, peut-être trop de temps. Les pensées l’assaillaient intégralement, le forçant au silence alors que Charlie levait les yeux vers lui, interrogative. Ils parlaient tous les deux peu de leur passé respectif, ils en apprenaient au compte goutte et bizarrement, ramener la jeune femme dans sa ville natale lui faisait quelque chose. «
Mon frère. » Ces deux mots suffirent, elle hocha vaguement la tête, avant de lui indiquer la direction à prendre. Elle n’aimait pas parler famille, il n’aimait pas ça non plus, encore quelque chose pour laquelle ils se comprenaient affreusement. Peut-être qu’ils étaient semblables en tout point, si ce n’est par leur différence de sexe. «
Je n’aime pas vraiment les histoires de famille. J’espère que tu vas pas me jeter dans une des tiennes. » Elle avait plus ou moins compris, au cours des mois passés, que la situation familiale de Silas était tout aussi désastreuse que la sienne à elle ; et elle n’avait pas fuit des conflits familiaux de son côté, pour se retrouver mêlée à ceux d’autres gens. Même si, avec le temps, Silas n’était plus réellement un inconnu. Plus un ami. Ou un confident. Un compagnon de route. Insidieusement, sans qu’elle ne comprenne pourquoi , les choses avaient voulu qu’ils se retrouvent dans ce snack et depuis… depuis la question de faire routes séparées ne s’était pas posée. Etrangement. Aucun des deux ne voulait penser à ça, au moment où ils viendraient peut-être à prendre des chemins différents, ou à pourquoi ils ne le feraient jamais. Pourquoi elle le suivait jusqu’à cette petite ville pour un type qu’elle ne connaissait même pas ? Pourquoi elle n’y avait pas réfléchi avant d’arriver aux frontières de Bishop Hills. Elle repoussa toutes ces questions en s’appliquant à replier le plan. Elle aviserait, comme elle avait appris à le faire.