just a simple kind of man

Depuis la fenêtre du salon, elle observait la scène, silencieuse et attentive. Son père était là, dehors avec une grosse valise dans la main, le coffre de la voiture était ouvert. Il se disputait avec sa mère. C’était souvent ça ces derniers temps. Juliette ne comprenait pas vraiment pourquoi d’ailleurs. Du haut de ses sept ans, elle était sans doute encore trop jeune pour comprendre toutes ces histoires d’adultes. Elle se contentait de les observer, sans doute parce qu’elle était trop curieuse pour simplement vaquer à ses occupations. Une bonne partie de la rue devait les regarder maintenant qu’ils étaient en train de s’engueuler juste devant la maison. Heureusement, elle n’entendait pas ce qu’ils disaient, les vitres isolaient plutôt bien le bruit de l’extérieur. Mais rien n’allait plus, ça se voyait dans leurs gestes, leurs expressions faciales. La petite fille laissa échapper un soupire. Tout ça était bien trop long, ça faisait bien trop longtemps que ça durait. Finalement, elle vit son père hausser les épaules, mettre sa grosse valise dans le coffre de sa voiture avant de partir. Au boulot sans doute, comme tous les matins. Ceci dit, d’habitude il n’emmenait pas de valises au boulot. C’était curieux. Elle observa sa mère qui se tenait devant le portail de la maison. Elle resta quelques minutes à observer en direction d’où était partie la voiture. Un sourire au lèvres, elle salua les habitants de la rue qui avaient assisté à cette scène avant de retourner dans la maison. Juliette descendit du canapé pour se diriger vers la porte pour accueillir sa mère. Cette dernière lui adressa son plus beau sourire en entrant. Elle était resplendissante. Ses longs cheveux blonds semblaient aussi brillants que le soleil lui-même, son teint rosé était doux et chaleureux et puis son sourire. Il suffisait qu’elle sourît pour que le monde de Juliette semble déjà plus beau. Il suffisait qu’elle sourît pour calmer ses chagrins, c’était presque magique. Ce fût sans doute le dernier vrai sourire qu’elle adressa à sa fille de toute sa vie. Elle se sentait déjà mal, sur le point de pleurer mais elle faisait de son mieux pour ne rien montrer à sa chère Juliette, cela dit, pour une fois, elle jouait mal la comédie. La petite fille inquiète se rapprocha de sa mère qui était partie faire la vaisselle, elle tira sur sa robe pour qu’elle la remarque et quand elle lui adressa un regard, la petite se lança. « Dis maman, il est parti où papa ? » la jeune femme arqua un sourcil, elle ne s’attendait sans doute pas vraiment à une telle question. Son regard devint soudainement vide, elle fixa sa fille quelques secondes avant de hausser les épaules et de se concentrer de nouveau sur la vaisselle. « Je ne sais pas. » Elle continua sa vaisselle et la petite fille s’éloigna, laissant sa mère tranquille, de toute évidence, elle n’avait pas envie de parler de ça aujourd’hui.

Un triste jour dans la ville de Bishop Hills, pourtant le soleil brillait de façon resplendissante, les oiseaux chantaient comme si de rien n’était. Assise sur son lit Juliette se sentait incapable de bouger. Elle n’avait pas envie de bouger. Elle aurait aimé resté là toute la journée puisque ça semblait bien plus simple. Elle avait d’autre choses à faire, comme réviser pour les examens qui mettraient un terme à sa vie de lycéenne. Enfin, elle ne savait pas trop à quoi ça lui servirait. Qu’est-ce qu’elle ferait une fois le lycée terminé ? Elle ne serait certainement pas avocate ou médecin, elle n’avait pas tant d’ambition. Elle ne ferait certainement pas d’études alors au fond, elle n’avait même pas besoin de terminer le lycée, elle pouvait tout laisser tomber si elle le voulait. Cela dit, elle n’en avait pas encore envie, elle avait des amis au lycée, des gens avec qui elle voulait encore passer du temps, des gens qui ne l’abandonnait pas. Ça n’était pas le cas de tout le monde. D’abord, il y avait eu son père qui était parti sur les route des États-Unis comme un voleur, il était encore jeune à l’époque et il avait envie de voyagé, de vivre à fond le peu d’années qui lui restaient avant d’atteindre la trentaine, alors il avait réalisé ses rêves en laissant sa femme et sa fille. Il avait été influencé par ces voyageurs qui passaient si souvent par Bishop Hills pour repartir rapidement, ses gens qui étaient libres, sans contraintes, ils se contentaient de voyager, ils n’étaient pas coincés dans une petite ville minable comme Bishop Hills pour le restant de leur vie. C’était ce à quoi inspiré leur père et il n’est jamais revenu. Il s’est contenté de faire envoyé des papier de divorce à sa femme quelques années après son départ, elle qui avait déjà le cœur brisé, ça l’avait anéantie. Juliette détestait son père pour le culot qu’il avait eu, même si au fond, elle l’enviait d’avoir ainsi cherché à réaliser ses rêves les plus fous. Maintenant, c’était sa mère qui la quittait. Trop faible depuis qu’elle avait signé ses papiers mettant un terme à ses rêves à elle, celle de la belle famille, unie envers et contre tout. Elle s’était retrouvée seule de façon officielle et elle était persuadée qu’il avait refait sa vie avec une autre qu’elle, qu’il était plus heureux, loin de Bishop Hills. Elle avait peu à peu sombré dans une dépression qu’elle n’avait jamais réussi à combattre, elle souffrait trop jour après jour. Elle restait dans son coin, oubliant même Juliette, qui elle était toujours restée près d’elle, elle qui faisait tous les efforts possibles inimaginables pour lui faire plaisir, pour lui rendre son sourire si agréable. Elle l’avait jamais réussi, et quelques jours plutôt, sa mère avait prit un cocktail fatal. Somnifère et vodka, la meilleure façon de ne jamais se réveiller. Elle détestait sa mère ne n’avoir jamais su s’accrocher, de l’avoir laissée tomber alors qu’elle était comme n’importe quelle enfant, elle avait besoin de sa mère. C’était peut-être mieux maintenant qu’elle était morte, toute cette souffrance en elle s’était éteinte avec elle, cette impression qu’elle avait d’avoir complètement gâché sa vie pour un homme qui l’avait quittée bien vite. Quelques coups à la porte de sa chambre la vit sursauter. «  Juliette, il faut qu’on y aille … » La voix de son meilleur ami passa à travers la porte. Elle laissa échapper un soupire. «  J’arrive. » Elle se leva doucement du lit, réajusta ses cheveux et son tailleur noir avant de quitter la pièce. Elle était prête pour l’enterrement de sa mère.


Concentrée dans sa lecture d’un nouveau magasine de mode, la jeune femme sursauta quand la cloche de la boutique retentit. Elle referma rapidement le magasine et adressa un large sourire à l’homme qui venait d’entrer. Elle ne le connaissait pas, pourtant, elle connaissait, au moins de vu, presque tout le monde en ville, cela dit, ce n’était pas rare que de nouvelles têtes apparaissent à Bishop Hills, beaucoup de voyageurs faisaient une halte dans cette petite ville tranquille. «  Bonjour, on m’a dit qu’il fallait absolument que je vienne gouter les cupecake de la pâtisserie alors … je suis là » Il lui adressa un sourire auquel elle répondit. Ce n’était pas non plus rare que les voyageurs soient attirés par la pâtisserie sous les conseils des habitants de la ville. «  Très bien, lesquels vous tenteraient ? » Il regarda quelques instant la vitrine dans laquelle étaient présentés les petits gâteaux avant de reposer son regard sur elle. «  Lesquels vous me conseillerez ? » La jeune femme fronça légèrement les sourcils, un sourire presque enfantin dessiné sur les lèvres. «  N’importe lesquels du moment qu’il y ait du chocolat dedans, mais c’est parce que le chocolat c’est mon pêché mignon … » Elle haussa les épaules, lèvres pincées, comme si ce qu’elle venait d’avouer était mal, quoi qu’elle savait qu’elle n’était pas la seule à pouvoir faire n’importe quoi pour du chocolat mais elle avait peut-être tendance à trop en abuser parfois. «  Très bien, faites moi gouter tous ceux qui contiennent du chocolat alors » Elle sourit encore avant de faire glisser les fameux gâteaux dans une pochette. «  Je prendrais bien un café aussi même si on ne m’en a pas dit que du bien de celui là .. » Elle rigola légèrement. «  On fait ce qu’on peut, on a de la concurrence en ville pour le café, mais pas pour les gâteaux ! » Elle le laissa allé s’installer à une table puis elle lui apporta un café plus ou moins réussi. «  Vous savez quoi, je crois qu’on ne m’a vraiment pas menti sur cette pâtisserie. C’est vraiment excellent. On a juste oublié de me préciser que la pâtissière était canon. » Elle arqua un sourcil, elle n’avait pas l’habitude de ce genre de réflexions aussi directes, ses joues prirent rapidement une couleur rosée. «  Euh, bien, merci … je suis ravie que l’endroit vous plaise autant … Bon appétit. » Elle tourna rapidement les talons pour retourner derrière son comptoir, les joues toujours roses. Bien vite, il la rejoignit pour payer, elle n’osait même plus le regarder tant elle était gênée. «  Je compte rester en ville quelque temps, je me demandais, vous faites quelque chose ce soir. » Elle fut tellement surprise qu’elle fit tomber les pièces qu’elle avait en main. Elle releva lentement la tête vers lui. «  Euh … télé … avec … gâteau au chocolat, comme à peu près tout les mardi soirs … » Elle ferma quelques instant les paupières se rendant compte qu’elle était vraiment débile par moment, elle aurait du se contenter de répondre non. «  Ça vous ennuierez de changer un peu votre programme ? J’aimerais visiter un peu, mais j’ai besoin d’un guide … » Elle lui adressa un léger regard avant de regarder timidement ses mains. Elle haussa les épaules. «  Pourquoi pas. » Il lui sourit elle s’efforça d’en faire autant même si elle était vraiment gênée. « Vous n’avez qu’à passer me prendre vers dix-neuf heures, chez moi … » Avant de lui tendre son ticket de caisse, elle attrapa un stylo pour écrire au dos son numéro de téléphone et son adresse, elle lui tendit ensuite, un sourire aux lèvres. «  Très bien à ce soir … » Il la regarda quelques secondes, hésitant. «  Juliette. Jules comme on m’appelle plus souvent. » Elle n’aimait pas trop Juliette, ça faisait un peu trop, Roméo et Juliette. «  Je regrette de ne pas m’appeler Roméo … Juste Ainsley. À ce soir Juliette. » Elle leva les yeux au ciel, elle détestait ce genre de réflexion. «  À ce soir Ainsley. » Il lui adressa un dernier sourire avant de quitter la petite pâtisserie. Elle laissa échapper un léger sourire puis reprit sa lecture là où elle s’était arrêtée, un large sourire aux lèvres.

« Tu t’en vas ? » Prit sur le fait en train de remettre ses valises dans le coffre de sa voiture. De toute évidence, il n’avait pas eu l’intention de la prévenir de son départ. Ils avaient passés de bons moment ensembles, de très bons moments même, mais il n’était pas du genre à s’attacher aux filles avec lesquelles ils passaient quelque temps quand il s’arrêter en ville. Pourtant, voir son regard triste posé ainsi sur lui, ça lui faisait bizarre, une sensation dont il n’avait pas l’habitude. « Écoute Juliette. Je ne peux pas rester … Je te l’ai dit, je pensais rester quelques semaines et ça fait trois mois que je suis là. Je ne peux pas continuer à m’enraciner comme ça, je n’aime pas ça. » Elle croisa les bras sur sa poitrine et haussa un sourcil d’un air qui annonçait clairement que le question qu’elle allait posé exigeait une réponse rapide. « Et moi ? Tu ne m’aimes pas ? Au moins un peu ? » Oui, elle voulait une réponse rapide. Mais tout ce qu’elle eut, ce fut un long silence, il la regardait les sourcils haussés comme surprit de la question. Il était surprit, il ne s’attendait pas à ça et il n’avait jamais réfléchit à la réponse qu’il pourrait fournir à ça. Il haussa les épaules se tourna vers sa voiture pour en refermer le coffre. « Je suis désolé. » C’était plus simple que de chercher des explications à ce qu’il ressentait pour elle. De toute façon, il allait quitter la ville alors cette petite étincelle qu’il ressentait au fond de lui-même finirait pas s’éteindre et elle, elle pourrait le détester autant qu’elle le voudrait, ce sera plus simple comme ça. « Très bien. Adieu alors. » Sans même lui laisser le temps de répondre quoi que ce soit, elle était partie, les poing serrées, comme pour garder encore un peu sa fierté et fondre en larmes dès qu’elle serait loin des regards indiscrets. Elle devait être maudite ou quelque chose dans le genre. C’était systématique, les gens qu’elle aimait finissaient toujours par la quitter.